HENRI DE GAND

HENRI DE GAND
HENRI DE GAND

HENRI DE GAND ou GOETHALS (1217?-1293)

Principalement connu par ses œuvres — une Summa theologica (inachevée), quinze Quodlibeta , des Questions sur la métaphysique , un commentaire de la Physique d’Aristote —, Henri de Gand (de Gandavo ), maître séculier de l’université de Paris, enseigna la théologie de 1276 à 1292. Il fut mêlé à la condamnation de Siger de Brabant et des averroïstes en 1277 et eut pour élève Godefroid de Fontaines, qui par la suite prit contre lui la défense de saint Thomas. Augustinien, notamment par sa noétique, Henri participa à toutes les grandes controverses de l’époque, prenant place parmi les penseurs indépendants dans un milieu en majorité thomiste et professant une métaphysique platonisante nettement marquée par la pensée d’Avicenne.

Une de ses positions fondamentales, qui se présente comme une interprétation de l’Idée platonicienne, s’exprime dans la notion d’essence absolue, empruntée à Avicenne: cette essence, qui n’est ni universelle (comme celle que d’autres placent dans l’âme) ni particulière (comme les choses du monde physique), constitue un simple contenu intelligible indifférent à toute détermination existentielle. Henri en vient ainsi à s’opposer plus nettement encore à Thomas d’Aquin: établi d’emblée dans l’ordre des essences, l’intellect les saisit dans une sorte de vision ou d’intuition en vertu de leur objectivité et d’une valeur ontologique même qui leur est propre (esse essentiae ). Sous l’influence de Platon et d’Avicenne, mais en cherchant à se garder de certains dangers, Henri de Gand définit une telle essence à la fois comme imitant l’essence divine (qui en est la cause formelle ou exemplaire) et comme étant distincte de Dieu, puisqu’elle est objet de connaissance.

C’est donc l’être — conception héritée d’Avicenne, elle aussi — qui est l’objet premier de l’entendement. Mais le mot «être» se trouve pouvoir subsumer soit l’être divin soit l’être fini, étant admis que du premier au second il y a dérivation: dans l’ordre des essences, selon un mode d’exemplarité; dans l’ordre des existences, en vertu d’une création qui dépend de la volonté de Dieu. Cependant, ces deux ordres — celui de l’essence, qui a déjà son esse , et celui de l’existence — ne sont pas réellement distincts dans le concret, bien qu’ils le soient autrement que par une simple distinction de raison: il s’agit seulement d’une «distinction intentionnelle».

Henri de Gand se montre antithomiste, aussi, à propos de l’individuation, qu’il retire à la matière pour en faire l’expression d’une double négation: l’individu s’oppose au genre, en tant qu’il est un ab intra et non divisible, et aux autres individus, du fait qu’il ne peut s’identifier à eux. À cela se rattache une conception de la vision des individus qui fait d’une telle intuition le fruit d’une illumination dispensée par Dieu selon son gré: «L’homme ne peut atteindre, en partant des choses matérielles, les règles de la lumière éternelle, que Dieu offre à qui il veut et enlève à qui il veut.» La noétique d’Henri de Gand, en effet, donne la primauté à cette illumination divine (illustratio specialis luminis divini ) et au recours nécessaire à l’idée d’être. Ainsi, utilisant la connaissance sensible, l’abstraction nous fait bien connaître quelque chose de vrai, mais «c’est la spéculation sur l’intelligible, divinement réglée, qui donne le vrai» (J. Jolivet).

Si le maître parisien considère l’intellect comme étant réceptivité par rapport à l’objectivité de l’essence, qui s’impose à lui, il définit, en revanche, la volonté, faculté d’aimer et de désirer, comme essentiellement active (simpliciter activa ) et lui donne, à la manière des augustiniens puis des Franciscains, une finalité supérieure à l’intelligence.

Par ces emprunts à Platon, à Augustin, à Avicenne et par la façon dont il les a utilisés, Henri de Gand semble avoir voulu prendre à partie, à travers le thomisme, la philosophie même d’Aristote en ce qu’elle liait trop étroitement à ses yeux la métaphysique et la physique, l’intellect et le sensible, avec le souci de sauver les premiers de la contamination des seconds.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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